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12/11/2009

Exit le fantôme – Philip Roth (2007)

Exit le fantôme.gifNathan Zuckerman, le personnage principal de ce livre, est l'alter ego régulier de Philip Roth. On le retrouve dans nombre de ses romans, tantôt personnage central, tantôt second rôle. Dans tous les cas, il semble révéler les réflexions, les certitudes et les doutes de son créateur. Réflexions sur l'écriture, sur les relations complexes entre l'art et la vie, sur la place de l'écrivain dans la société, sur l'actualité, la politique et l'avenir de la société américaine...

Nous retrouvons donc Nathan Zuckerman à 71 ans, toujours épatant d'intelligence, de lucidité et d'humour ironique, et désormais écrivain reconnu. Le voilà de retour à New York après onze ans d'exil volontaire dans les Berkshires (campagne du Massachusetts). Onze années vécues en solitaire et exclusivement consacrées à l'écriture et à la lecture. Onze années "hors la vie", coupé de tout et de tous. Si ce jour d'automne 2004 Nathan Zuckerman est de retour à New York, c'est poussé par la nécessité. Il revient pour subir une intervention susceptible d'améliorer son problème d'incontinence, à défaut de pouvoir régler l'autre conséquence pénible de son cancer de la prostate : l'impuissance. De retour au monde dont il s'était volontairement soustrait, le voilà obligé de se confronter à ce qu'il avait fui : les autres, et avec eux les rapports de force et le retour des affres du désir.

Dans la ville encore secouée par l'onde de choc des attentas du 11 septembre 2001 et accablée par la réélection inattendue de George W. Bush, trois rencontres vont occuper Nathan Zuckerman. Il y a d'abord Amy Bellette, ancienne compagne de son mentor, l'écrivain disparu E.I. Lonoff, aujourd'hui décatie et atteinte d'une tumeur au cerveau. Puis Richard Kliman, jeune arriviste insupportable qui a entrepris d'écrire une biographie de Lonoff alourdie d'un sordide secret, au grand dam de Zuckerman, pour qui l'entreprise reviendrait à laisser la vie du grand homme prendre le pas sur la postérité de son œuvre. Enfin, un jeune couple d'écrivains avec qui il envisage un échange de maisons. Et voilà Zuckerman, qui s'en croyait immunisé, en proie au désir fou pour Jamie, la très charmante jeune femme du couple. Et afin d'exorciser cette impossible liaison, il rédige, au grès de ses fantasmes, des dialogues de théâtre où Elle et Lui se donnent la réplique. Mise en abîme de l'écrivain qui ré-enchante son existence par la fiction.

Pour Philip Roth, Nathan Zuckerman est habituellement le dépositaire des séismes individuels provoqués par l'Histoire américaine. Ainsi ce roman aborde les conséquences psychologiques des attentats de 2001 et de la réélection de Bush fils. Cependant, dans Exit le fantôme, son principal sujet n'est pas là, mais est son héros lui-même et sa condition d'homme sur le déclin, en déroute tant physique qu'intellectuelle. Il aborde de façon tour à tour digne, mélancolique, rageuse ou moqueuse le problème du vieillissement et du cortège de maladies, de petites misères, de renoncements et d'humiliations qui l'accompagnent.

Dans ce roman, Philip Roth interroge aussi la fiction et la postérité littéraire en une charge contre le réductionnisme biographique. Par la révolte de Zuckerman devant l'opportunisme de Richard Kliman, Philip Roth dénonce le sort des artistes donnés en pâture contre leur gré à des biographes plus enclins à se faire un nom qu'à comprendre l'œuvre, à chercher un scandale vendeur qu'à respecter l'intimité de l'homme. Ainsi écrit-il : «Dès que l'on entre dans les simplifications idéologiques et dans le réductionnisme biographique du journalisme, l'essence de l'œuvre d'art disparaît».

Exit le fantôme est donc un roman très riche et profond, dont la multiplicité des interprétations possibles n'ôte rien à l'élégante simplicité et à la discrète sophistication.

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e%2035.gif Philip Roth, Exit le fantôme (Exit Ghost), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2007 (2007), 326 pages, 21 €.

J'ai reçu ce livre dans le cadre de l'opération "Cadeau Test" de alapage.com, que je remercie pour cet envoi.

Du même auteur : La tache, Un homme & Indignation.

14/10/2009

De beaux lendemains – Russel Banks (1991)

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De beaux lendemains.gifCe livre-là est de ceux que l'on lit d'une traite, en retenant son souffle, le cœur serré, partagé entre douleur et fascination.

C'est l'histoire d'un fait divers, un drame qui touche Sam Dent, petite bourgade au nord de l'état de New York : par un matin d'hiver, le bus de ramassage scolaire a glissé sur la neige, est tombé dans le ravin, et a sombré dans le lac gelé. De nombreux enfants ont péri, plongeant la petite ville dans la stupéfaction et l'affliction.

Les réactions de la petite communauté sont rapportées par les récits de quatre acteurs principaux... Découvrir la suite...

11/09/2008

Le Montespan – Jean Teulé (2008)

Genre : cocasse roman presque historique

23a3dc3544a5ca65089a3b737eab61d1.gif« Louis-Henri, être cocu, c'est la chance de votre vie. »

Ce Louis-Henri-là, c'est Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, époux de LA Montespan, célébrissime favorite de ce coureur de jupons de Louis XIV. Pour Louis-Henri, quelle chance ! Car au temps du Roi-Soleil, avoir sa femme dans le lit du monarque est un privilège ! Sauf que Louis-Henri ne l'entend pas ainsi. Car Louis-Henri est passionnément amoureux de sa Françoise voyez-vous, et il ne consent pas à la partager, serait-ce avec le Roi ! Il défie donc l'autorité royale, refuse les honneurs et prébendes, est indifférent aux menaces et procès, aux emprisonnements, à la ruine et aux tentatives d'assassinat : pour récupérer sa femme, il brave l'homme le plus puissant de la planète. Il fait repeindre son carrosse en noir et l'orne d'énormes ramures de cerf, il s'introduit de nuit dans la chambre de la reine afin de lui faire ce que le Roi se permet de faire à son épouse, il organise les funérailles de son amour défunt... Bref, il magnifie son état de cocu !

Truffé d'anecdotes aussi rocambolesques que croustillantes, navigant entre véracité historique, expressions d'époques et plume très contemporaine au style cru et sec (quoique le trait soit parfois un peu forcé), ce roman, ni vraiment historique, ni réellement romanesque, est drôle et atypique. Car la révolte du marquis cornu contre le fait du prince est désopilante ! Cet homme dont l'infortune n'a eu d'égale que son opiniâtreté à tenter de préserver son honneur, cet homme plein de panache, prêt à tout plutôt qu'à renoncer, est un personnage à la fois pathétique et grandiose, un héro excessif et superbe, ridicule et touchant. Un personnage extravagant, un naïf au cœur pur, en décalage avec la société dans laquelle il vit où l'on trompe sans états d'âme et trahit sans vergogne, à l'image de leur maître à tous, Louis XIV, le roi des dépravés.

Bref, une bien jolie farce !

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e%2030.gif Jean Teulé, Le Montespan, éd. Julliard, 2008, 352 pages, 20 €.

Du même auteur : Darling & Le Magasin des Suicides.

18/07/2008

This is not a love song – Jean-Philippe Blondel [2007]

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif Genre : blues, forcément triste

5f24493a02630566ea591e9c70f68358.gifVincent, ancien loser made in France, est parti il y a dix ans vivre sa success story en Angleterre, sans un regard pour ce qu'il laissait derrière lui : la France et sa province engourdie, ses parents et leur pavillon "qui craint", son frère et sa vie étriquée, et surtout Etienne, son ami, son double inversé, son compagnon de "lose" dont il n'a plus jamais pris de nouvelles. Aujourd'hui, il a réussit comme on dit : la quarantaine conquérante, marié à une femme de la "haute", heureux papa de deux fillettes, patron d'une chaîne de restaurants en plein essor, il revient dans sa ville natale : Découvrir la suite...

01/05/2007

Le Magasin des Suicides – Jean Teulé (2007)

Mauvais jour, madame...

Le Magasin des Suicides.gifC'est un petit magasin où n'entre jamais un rayon rose et gai. C'est un petit commerce peu orthodoxe, une institution familiale, tenu avec dévotion depuis dix générations par la loufoque et sinistre famille Tuvache qui vend à qui veut se supprimer les outils adéquats. De la corde de chanvre tressée main au cocktail-poison du jour, en passant par la pomme au cyanure ou encore le kit "hara-kiri" avec kimono et sabre, tout et plus encore se trouve dans les rayons du Magasin des Suicides qui honore son slogan : « Vous avez raté votre vie. Avec nous, vous réussirez votre mort ! »

Ce commerce d'utilité publique aux affaires mortellement prospères est tenu par Lucrèce et Mishima, parents de trois enfants, Vincent, Marilyn et Alan, prénommés en hommage à des suicidés de légende (Van Gogh, Monroe et Turing). Les deux aînés, perclus de désespoir, ont cette propension au malheur qui caractérise la famille. Vincent, anorexique, se bande la tête pour pallier à ses migraines, tandis que Marilyn déprime d'être si laide et inutile : à eux deux ils encouragent largement les affaires familiales. Hélas Alan, le petit dernier, est un gamin souriant, pourvu d'un indéfectible optimiste et d'une joie de vivre ostentatoire qui va peu à peu contaminer sa famille et les clients de la boutique et mettre en péril l'entreprise de ses parents.

Ce roman barré fourmille de détails croustillants, drôles et décalés, de désespoir enrobé de dérision et d'humour noir, d'inventivité funèbre et paradoxalement réjouissante. Car rien n'est glauque dans ce roman, bien au contraire : Jean Teulé réussit à nous faire rire du quotidien macabre de cette pseudo famille Adams.

Hélas, ce qui fait toute l'originalité et l'humour du texte, son acidité et sa drôlerie, disparaît dans le dernier tiers du livre au moment où la famille oublie peu à peu ses instincts morbides pour laisser place à sa soudaine joie de vivre initiée par Alan. Teulé rompt alors cruellement avec la tonalité des deux premiers tiers du récit, renonçant à l'humour noir et à l'impertinence. Le récit tombe ainsi dans quelque chose de plus commun, il devient mièvre et gentillet, sombre dans les bons sentiments et la guimauve, et s'épuise dans un final grand-guignolesque affligeant.

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e%2020.gifJean Teulé, Le Magasin des Suicides, éd. Julliard, 2007, 157 pages, 17 €.

Du même auteur : Darling & Le Montespan.